Vive le marché (financier)
Le malheur des uns...
Aujourd'hui, pas de recette, mais une réflexion sur notre assiette. On nous le répète à l'envi: hausse des prix! Consolez-vous, cessez de vous lamenter: la crise alimentaire peut nous être bénéfique. Tout dépend du point de vue. Un peu d'optimisme donc, que diable!
J'ai assisté hier soir à une conférence de Daniel Cauchy, formateur en éducation au développement et à l'environnement, sur le thème "Une alimentation pour notre santé et celle de la planète (et de ses habitants)". Durant sa présentation, très intéressante d'ailleurs, il nous a remis en mémoire un produit de la banque belge KBC, lancé (et clôturé) en février dernier, et qui a causé polémique en mai. Il s'agit, ni plus ni moins, d'une assurance-vie qui vous prodigue un conseil d'ami: "tirez profit de la hausse du prix des denrées alimentaires!", s'exclame joyeusement et sans équivoque le slogan surplombé d'un épi dodu.
La description est tout aussi sympathique que le titre accrocheur: parmi les facteurs qui créent les conditions parfaites pour lancer ce fonds, on peut citer «l'énorme accroissement de la population, surtout dans les pays à fort potentiel de croissance économique; un niveau de vie plus élevé et des modifications enregistrées dans les habitudes alimentaires (davantage de produits laitiers et de viande); les changements climatiques et la pénurie d'eau et de terres agricole exploitables; la forte baisse des réserves et trop peu d'investissements dans le secteur agricole.»
Grâce à cette conjoncture très favorable, la banque lie le revenu de son produit aux prix du blé, du maïs, du soja, du sucre, du cacao et du café. Une aubaine, vous en conviendrez.
Lorsque des voix de protestation se sont élevées, la banque KBC, déconfite et désemparée, s'est défendue la main sur le coeur: après tout, ce n'est pas elle qui décide du cours des matières premières, voyons! Qu'importe si la souffrance de peuples entiers, affamés et assoiffés, est présentée comme une opportunité à saisir d'urgence. La très grave crise alimentaire, le criant manque d'eau de millions d'êtres humains devient ainsi matière à spéculation qui promet d'être lucrative: le rendement annoncé est de 14%.
Certes, KBC n'est pas la seule banque à proposer ce type de placement; de nombreux fonds lancés récemment dans l'Union Européenne sont indexés sur les cours de matières premières agricoles (140 selon Mariann Fischer Boël, commissaire européenne en charge de l'agriculture). Voilà qui devrait nous rassurer: si tout le monde le fait... c'est dit, j'ai retrouvé l'appétit!